Effectifs territoriaux de l’Etat : la Cour des Comptes alerte

Voilà un rapport qui va sans doute susciter l’intérêt des élus des départements ruraux : la Cour des Comptes a rendu le 31 mai dernier son rapport d’observations définitives sur l’évolution des effectifs de l’administration territoriale de l’Etat sur la période 2010-2021. Ce rapport fait suite à la réforme de l’administration territoriale de l’État (RéATE) de 2010, qui a consisté à créer des directions régionales (DR) qui respectent les périmètres ministériels et des directions départementales interministérielles (DDI) regroupant plusieurs ministères.

Ces dix années de RéATE ont été marquées par la perte de plus de 11 000 ETP de titulaires, soit 14% de l’effectif initial de l’administration territoriale de l’Etat. « Dans les préfectures, les suppressions de poste, qui ont représenté la quasi-totalité des réductions d’effectifs du ministère de l’intérieur, n’ont pas été réalistes » indiquent les magistrats de la rue Cambon. Il s’ensuit un recours désormais quasi-systématique à des contrats courts qui « précarisent leurs titulaires et désorganisent les services ». Du coup, la moyenne d’âge des agents titulaires augmente, faisant peser le risque d’une difficulté de renouvellement compte-tenu de la faible attractivité de ces métiers.

La Cour souligne également que les ministères, notamment l’écologie et les ministères sociaux, ont principalement « fait porter les suppressions de postes sur leurs services départementaux au bénéfice des directions régionales qui ont été relativement épargnées ».

La Cour ajoute également que « les suppressions de poste en préfecture auraient justifié une réflexion sur la répartition de l’effort en fonction de la réalité des besoins de chaque région. C’est le contraire qui s’est produit puisque la répartition des coupes n’a visé qu’à préserver des équilibres historiques sans rapport avec l’évolution de la population ou de l’activité ».

Enfin, la Cour des Comptes pose la question de la pertinence de transférer ou non l’ensemble des effectifs des DDI aux préfectures, en soulignant que si une part du corps préfectoral y est plutôt favorable, les administrations centrales, elles, redoutent un risque de déresponsabilisation si les agents censés mettre en œuvre les politiques qu’elles déterminent ne relèvent plus de leur autorité directe.

La RéATE s’achevant fin 2021, l’année 2022 marque la fin des réductions d’effectifs à ce titre. La Cour des comptes recommande in fine aux pouvoirs publics de définir de nouvelles priorités d’allocation des effectifs par service au sein des préfectures et élaborer une méthode d’évaluation des effectifs de référence par préfecture.

Les élus locaux l’auraient sans doute écrit autrement : la centralisation des services de l’Etat au niveau des régions a contribué, chacun l’a constaté ces dernières années, à éloigner du terrain les services territoriaux de l’Etat, rendant les relations avec les acteurs locaux plus complexes et plus longues.

Bernard LUSSET