Simplification des normes : ça avance ?

Il existe au Sénat une “Délégation aux collectivités territoriales et à la décentralisation”. Cette délégation a organisé le 16 mars dernier des Etats généraux de la simplification. Pour préparer cette rencontre, la Délégation a interrogé des élus locaux sur leur perception de l’environnement administratif qui encadre leur action publique. Ce sont ainsi plus de 1600 élus qui ont répondu dont une très grande majorité (92 %) d’élus communaux.

Le jugement rendu par ces élus de terrain est sans appel : ils sont 8 sur 10 à faire le constat d’une aggravation de la complexité des normes qui leur sont opposées et un peu plus nombreux encore à reconnaitre que cette complexité a impacté les projets qu’ils portent. Ils sont plus de 16% à admettre avoir renoncé à certains projets du fait de cette complexité des textes applicables. Un tiers d’entre eux lui impute une augmentation du coût des projets. Plus de la moitié des élus ont dû modifier voire reporter leur projet du fait des normes. Cette complexité est telle que les deux tiers des élus ont été les témoins d’interprétations différentes d’une administration à une autre, rendant plus incertain encore le pilotage de leurs projets.

Au long de cette enquête, les témoignages se sont d’ailleurs multipliés auprès de la délégation sénatoriale : « On nous parle de choc de simplification. On a pris le choc mais pas la simplification ! » dit l’un. « A force, on ne connait plus les normes et on est dans l’illégalité » s’inquiète un autre. « La norme tue les initiatives et les prises de responsabilités » reconnait un troisième. Bref, la complexité administrative est bien pour les élus locaux un enjeu majeur.

A l’issue de ces Etats généraux, une charte (qu’on pourra lire en fin d’article) a été signée à la fois par le Sénat et le Gouvernement ; au-delà des principes que cette Charte rappelle, elle vise à renforcer le pouvoir du Conseil National d’Evaluation des Normes (CNEN). Cette instance mise en place le 3 juillet 2014 est encore trop méconnue des élus locaux. Elle est pourtant d’une grande importance et son rôle ne cesse d’être renforcé. Le CNEN est habilité non seulement pour émettre un avis sur les textes à paraitre mais aussi à examiner le stock des normes existantes.

Particularité du CNEN : il rassemble en son sein des représentants du Parlement, des élus locaux et des administrations centrales. L’Etat y siège au travers de 11 représentants des différents ministères (4 du Ministère des Collectivités territoriales, 1 du Ministère de l’Economie, 3 du Budget, 1 du Tourisme, 1 de la Ville et 1 du Ministère de l’Outre-Mer). A leurs côtés, siègent 2 députés et 2 sénateurs, 4 élus régionaux et autant d’élus départementaux, 10 élus communaux et 5 élus représentants les intercommunalités : les élus y sont donc très largement majoritaires. Chaque titulaire peut être remplacé par son suppléant.

Le CNEN se réunit au moins 11 fois par an. L’article 1212-2 du CGCT précise les modalités de sa saisine : il peut être consulté par le Gouvernement sur l’impact technique et financier, pour les collectivités territoriales et leurs établissements publics, des projets de textes réglementaires ou des projets de loi créant ou modifiant des normes qui leur sont applicables. Le CNEN émet également, à la demande du Gouvernement, un avis sur les projets d’acte de l’Union européenne ayant un impact technique et financier sur les collectivités territoriales ou leurs établissements publics.
Le conseil national peut également être saisi d’une demande d’évaluation de normes réglementaires en vigueur applicables aux collectivités territoriales et à leurs établissements publics par le Gouvernement, les commissions permanentes de l’Assemblée nationale et du Sénat, un maire, un président d’établissement public de coopération intercommunale à fiscalité propre, un président de conseil départemental ou un président de conseil régional. Les membres du CNEN peuvent en outre saisir eux-mêmes le CNEN d’une demande d’avis.

La saisine s’effectue exclusivement de manière dématérialisée à l’adresse suivante : dgcl-cnen@interieur.gouv.fr

La saisine du CNEN doit être motivée et comporter l’indication de la norme dont l’évaluation est demandée et, le cas échéant, des propositions de réforme. Elle est adressée par mail au secrétariat du conseil national qui en accuse réception.

Bernard LUSSET