53 mesures pour l’eau

Le Président de la République est venu le 30 mars présenter dans les Hautes Alpes les 53 mesures du plan EAU du gouvernement destiné à améliorer la gestion de l’eau, ressource mise à mal par les changements climatiques en cours et à venir. On pourra consulter le détail de ces mesures dans le dossier de presse consultable en fin d’article. Il faut dire qu’il y a urgence : la saison estivale 2023 s’annonce pire encore que la précédente au cours de laquelle 93 départements avaient déjà connu des restrictions d’accès à l’eau. La carte ci-dessous établie par le BRGM met d’ailleurs en évidence l’acuité croissante de cette question.

Objectif sobriété
Le premier objectif de ce plan EAU est de réduire de 10 % les volumes d’eau consommés chaque année d’ici 2030 dans le pays. Ce plan de sobriété concernera tous les secteurs à l’image de ce qui a déjà été initié en matière d’énergies cet hiver. Une réunion des 50 sites industriels qui ont le plus grand potentiel de baisse de consommation d’eau sera organisée. Le Président de la République a également souhaité encourager les centrales nucléaires d’EDF à “faire des économies d’eau” selon des modalités qui restent à éclaircir. D’ici l’été, une campagne de communication grand public sera lancée pour inciter chacun à la sobriété avec le lancement d’un “EcoWatt de l’eau” sur le modèle de l’instrument mis en place pour réduire la consommation d’électricité en cas de risques de coupure.

Recours aux eaux usées et de pluie
La France veut désormais atteindre 10 % de réutilisation de ses eaux usées, soit 10 fois qu’aujourd’hui par exemple pour l’irrigation agricole ou le nettoyage des voiries. Pour cela, 1 000 projets en cinq ans vont être lancés pour recycler et réutiliser l’eau avec un objectif final de réutilisation de 300 millions de mètres cubes, soit l’équivalent de 3 500 bouteilles d’eau par Français et par an. Pour cela, des “freins réglementaires à la valorisation des eaux non conventionnelles seront levés” promet le plan gouvernemental.

Agences de l’eau & lutte contre les fuites
Au total, les moyens des agences de l’eau devraient être rehaussés de 475 millions d’euros par an intégrant des moyens spécifiques supplémentaires pour les outre-mers. Sur ces moyens supplémentaires, 180 millions d’euros seront consacrés à la résorption “en urgence” des fuites d’eau dans les réseaux les plus sensibles, sous condition pour les collectivités concernées de l’atteinte d’objectifs de performance de gestion de leur réseau.

Tarification progressive
A l’occasion de cette présentation, le président a exprimé le souhait que se généralise la “tarification progressive et responsable” de l’eau, déjà expérimentée dans certaines communes. Deux textes de 2010 et 2013 autorisent et encouragent en effet à la mise en place d’une tarification progressive au volume réellement consommé. Le bilan de la loi de 2013, tiré dans une mission parlementaire de février 2022, proposait ainsi de généraliser cette tarification progressive avec trois paliers : l’eau « essentielle » facturée à un coût symbolique jusqu’à 80 m3 par an et par foyer, l’eau « utile » de 81 à 200 m3 à un « tarif inférieur au coût des services » et au-delà, l’eau « de confort » deviendrait plus chère. Ce scénario semble avoir été retenu dans son principe par le gouvernement. Reste à savoir comment sa mise en place, qui dépend des collectivités, sera permise ou incitée.

Agriculture
Emmanuel Macron a réaffirmé à cette occasion l’utilité des stockages artificiels d’eau pour les agriculteurs, y compris ceux du type de celui de Sainte-Soline (Deux-Sèvres) mais a proposé que les prochains prennent mieux en compte la raréfaction de l’eau et soient partagés dans divers buts, dont la biodiversité. “Il ne s’agit pas de privatiser l’eau ou de permettre à certains de se l’accaparer”, a-t-il déclaré, répétant que l’eau était “indispensable à notre souveraineté alimentaire”. Mais il a demandé que les futurs ouvrages soient conditionnés à des “changements de pratiques significatifs”, à commencer par des économies d’eau et une réduction de l’usage des pesticides par les agriculteurs.

L’annonce maintes fois reportée de ce plan finalement présenté par le chef de l’Etat lui-même est apparu aux yeux de certains comme une tentation du locataire de l’Elysée de s’extraire du bourbier actuel de la réforme des retraites. Les critiques sur le fond même du plan EAU n’ont d’ailleurs pas manqué, y compris chez un certain nombre d’associations d’élus.

Bernard LUSSET