Finances locales : la Cour des Comptes moins optimiste pour 2024

Le rapport de la Cour des Comptes sur les finances publiques locales en 2023

Le 4 juillet dernier, la Cour des Comptes publiait le premier fascicule de son rapport annuel sur les finances publiques locales. Ses conclusions qui faisaient état d’une « situation financière très favorable en 2022 » avaient fait grincer quelques dents chez les élus locaux confrontés, dans le même temps, à une inflation record notamment des produits de l’énergie et une hausse de l’indice de la fonction publique.

Les conclusions du rapport de la Cour des Comptes

Trois mois plus tard, la Cour a publié ce mois d’octobre son second fascicule consacré à l’état des finances locales de l’année 2023. Sans surprise, l’optimisme des magistrats financiers de la rue Cambon s’est réduit…

Parmi les observations formulées dans ce rapport (dont la synthèse est consultable en fin de chronique), on en retiendra ici plus particulièrement trois :

1. La suppression de la TH accentue le déficit de l’État !

« (…) la suppression d’impôts locaux a conduit à accroître les transferts financiers de l’État destinés à les compenser (près de 36 Md€ de transferts de recettes de TVA à ce titre en 2022) et donc le déficit public (124,5 Md€, soit 4,7 % du PIB en 2022). Ce constat invite à ne pas réduire davantage le « panier » d’impôts locaux des collectivités. » En une phrase, la Cour des Comptes endosse sans le dire vraiment un discours formulé depuis plusieurs années déjà par les associations d’élus : la suppression de la taxe d’habitation était une erreur. Comble de l’ironie, la Cour souligne que l’État, contraint par sa propre décision de compenser le manque à gagner ainsi créé, vient creuser son déficit public qui n’avait pourtant pas besoin de ça… En invitant les pouvoirs publics « à ne pas réduire davantage le « panier » d’impôts locaux des collectivités », la Cour, en une discrète litote, suggère que tout nouveau pas dans cette direction serait très malvenu.

2. Affaiblissement du lien citoyen / collectivité

Non seulement, personne ne réclamait la suppression de la taxe d’habitation mais elle a de surcroît fait disparaître tout lien fiscal entre nombre de citoyens et leur collectivité. Ne reste plus désormais pour beaucoup qu’une relation de type [client/fournisseur] qui vient accentuer encore -sans que cela fût pourtant nécessaire- un esprit de « consommation » de l’action publique qui croissait déjà chez nombre de citoyens ; le tout, en réduisant l’autonomie fiscale des collectivités pourtant reconnue comme une valeur fondamentale du pacte territorial républicain. Quoi qu’elle en pense, la Cour ne peut cependant conclure que par ces mots : « La création d’un impôt résidentiel à la charge de l’ensemble des ménages, y compris les locataires, et, a fortiori, l’instauration d’une garantie constitutionnelle d’autonomie fiscale des collectivités du « bloc communal » relèvent de choix politiques sur lesquels il n’appartient pas à la Cour de se prononcer.

3. Des compensations génératrices de distorsions

La Cour mentionne également : « Sauf exception, les compensations par des fractions de la suppression de la taxe d’habitation sur les résidences principales et de la cotisation sur la valeur ajoutée des entreprises (CVAE) ainsi que de la DGF des régions sont réparties entre les collectivités concernées en fonction de leur part respective de ces anciennes recettes. Elles vont engendrer des distorsions croissantes par rapport aux besoins effectifs des collectivités. Elles devraient au contraire être modulées en fonction de l’évolution du nombre et des caractéristiques socio-économiques de leurs habitants. » Les magistrats de la rue Cambon soulignent là un des effets pervers des mécanismes de compensation mis en place après la suppression de la taxe d’habitation et la CVAE : ils gèlent à un instant donné les situations financières et fiscales des collectivités, ce qui peut non seulement engendrer des inégalités de traitement mais aussi briser chez elles toute ambition de développement de leur territoire, faute de pouvoir en percevoir les justes fruits fiscaux ensuite.

A consulter en pièce jointe pdf : le fascicule 2 du rapport de la Cour des Comptes sur les finances publiques locales en 2023

Bernard LUSSET