Cumul des mandats : vers un assouplissement ?

Le mercredi 6 mars, la Commission des Lois de l’Assemblée nationale a examiné une proposition de loi émanant du groupe Horizons proche d’Edouard Philippe « visant à renforcer l’ancrage territorial des parlementaires ». Cette proposition de loi ambitionne de revenir sur les dispositions de la loi de 2014 qui a interdit le cumul des mandats de parlementaire avec une responsabilité exécutive locale (Maire ou adjoint, Président ou vice-Président d’un EPCI, Département ou région).

Les motivations derrière la proposition

Dans l’exposé des motifs de cette proposition de loi, les députés constatent que « la fracture entre les élus nationaux et les citoyens s’aggrave année après année. La fonction de député cristallise une forme de méfiance qui, au fil du temps, s’est transformée en défiance ». Cet éloignement expliquerait pour une bonne part selon eux la montée de l’abstention et la difficulté à trouver, élection après élection, des citoyens désireux de s’engager.

Un retour en arrière sur la loi de 2014

Les députés rappellent que jusqu’à la loi n° 2014‑125 du 14 février 2014, « les députés étaient souvent maires de leur commune, ou possédaient une fonction exécutive locale, qui les ancraient dans leur territoire et les confrontaient, de par leurs fonctions, aux réalités de terrain, notamment aux conséquences des décisions prises au niveau national ».

Un constat mitigé sur les effets de la loi de 2014

Les auteurs de la proposition reconnaissent que la loi de 2014 « poursuivait des objectifs louables » et que la situation antérieure avait « conduit à des abus » en matière de cumuls. Ils donnent également acte à la loi d’avoir permis « de renouveler la classe politique, féminiser la représentation nationale et limiter l’absentéisme parlementaire ».

Les arguments en faveur de l’assouplissement

Pour autant, les députés soulignent que les parlementaires non-cumulards « apparaissent comme déconnectés des réalités de terrain et peu à même de comprendre les éventuels obstacles à l’application concrète des lois qu’ils votent (…). Entre le préfet et les élus locaux, le député peine à trouver sa place ».

Les changements proposés

L’article unique de cette proposition de loi suggère ainsi de prévoir à nouveau la possibilité de cumuler un mandat national avec un mandat exécutif local, à l’exception des fonctions de maire et de président de conseils départementaux et régionaux. Autrement dit, il serait désormais à nouveau possible pour un député ou un sénateur d’exercer également une fonction d’adjoint au maire, de vice‑président de département, de région, d’EPCI ou de syndicat mixte, dans les limites d’un seul mandat, comme cela est actuellement prévu par les dispositions de l’article LO 141‑1 du code électoral.

Positions politiques

Cette proposition de loi a eu le mérite de reconstituer l’alliance des partis de gauche au sein de la Commission des Lois : élus socialistes (auteurs de la loi de 2014 sur le cumul), France Insoumise et Ecologistes ont tous manifesté leur opposition à cette proposition de loi. Un amendement de Raquel Garrido, députée LFI, a même proposé d’interdire aux parlementaires de siéger comme élus départementaux et régionaux.

En revanche, les groupes Renaissance, MoDem, LR et RN ont tous exprimé leur souhait de voir a minima l’interdiction de cumul atténuée, chacun exprimant à ce sujet quelques nuances. Le gouvernement n’y semble pas lui non plus opposé : la ministre chargée des Collectivités territoriales, Dominique Faure, a dit « personnellement souhaiter un assouplissement de la loi » même si elle aurait préféré que ce débat s’inscrive dans le cadre de la mission en cours confiée à Eric Woerth.

Il n’est donc pas exclu que dans les mois qui viennent -et en tout cas avant les prochaines municipales-, cette proposition de loi arrive sur la table de travail de l’Assemblée nationale.

Bernard LUSSET