Repenser la démocratie participative ?

Ils travaillent l’un et l’autre au sein d’une agence spécialisée dans l’accompagnement des acteurs publics en matière de démocratie participative. Adeptes de cette forme renouvelée d’action publique, Manon Loisel et Nicolas Rio ont pourtant récemment publié une tribune acide –désenchantée diront certains– pour mettre en évidence les limites de cet exercice qui se développe partout. Que retenir de cette tribune (à lire ici : Faut-il en finir avec… la démocratie participative ?) ?

Les auteurs soulignent 3 faiblesses des actions de démocratie participative :

Ou sont les abstentionnistes ? Le constat est partout le même : « on voit toujours les mêmes ». Dans toutes les instances participatives, les acteurs sont toujours ceux qui, par ailleurs, sont les plus insérés dans la vie collective : ils votent aux élections, participent aux actions des associations, sont bien insérés dans le tissu local, etc… Même le choix du tirage au sort ne permet pas de répondre à l’objection : « les profils les plus éloignés des institutions ont tendance à moins prendre la parole et à se mettre en retrait du dispositif. Combien d’abstentionnistes parmi les membres actifs des instances de participation ? Combien de précaires parmi les citoyens qui soumettent des projets au budget participatif ? » soulignent les auteurs de la tribune.

Une recherche excessive d’un consensus impossible. Les diverses expériences menées montrent qu’obsédées par le souci de trouver des solutions, les collectivités privilégient systématiquement la recherche d’un consensus introuvable ; victimes de cet état de fait, le débat, la confrontation des idées d’où naissent pourtant le plus souvent les meilleures solutions.

Des résultats concrets rarement à la hauteur. Peut-être est-ce là le constat le plus redoutable dressé par les auteurs de cette tribune : si la démarche participative suscite souvent l’engagement enthousiaste des participants, la déception est régulièrement au rendez-vous en fin de processus. En effet, les obstacles techniques, juridiques ou financiers viennent souvent réduire à peu de choses les conclusions et projets issus de la réflexion collective. Si les élus, régulièrement confrontés à ces difficultés, ne s’en étonnent pas, les citoyens eux en retirent des conclusions amères : « Tout ça pour ça ? » est une expression qui revient très souvent, traduisant la déception après les espoirs suscités par la démarche.

Les auteurs remettent-ils pour autant en cause l’idée même de démocratie participative ? Pas le moins du monde d’autant que les limites de l’action publique classique –représentative– demeurent. Mais ils plaident pour que la démocratie participative sorte « du carcan dans lequel elle s’est retrouvée enfermée (avec ses élus référents et ses équipes dédiées) pour requestionner le partage des rôles et les coopérations entre élus, citoyens et administrations ». Une réflexion de plus en plus partagée.

Bernard LUSSET