Assurance des collectivités : comment réagir ?

Sous le titre « pourquoi les assureurs quittent le navire » des collectivités, la Gazette des Communes est revenue récemment sur un retrait assez général des compagnies d’assurances du marché des collectivités locales. Ce mouvement s’est d’abord largement fait sentir au niveau du risque statutaire, c’est-à-dire l’assurance des absences du personnel pour maladie et il ne date pas d’hier : il faut dire que les statistiques de la fonction publique territoriale se sont globalement beaucoup dégradées, engendrant une augmentation à la fois du nombre des sinistres et de leur coût.

Devant ce phénomène déjà ancien mais qui ne se réduit pas, nombre de collectivités ou de Centres départementaux de Gestion se retrouvent ainsi confrontés à un arbitrage redoutable : accepter un recalcul de la cotisation ou relancer en catastrophe une consultation en vue de trouver d’autres acteurs. Mais, dans ce second cas, les candidats se raréfiant, il n’est pas toujours certain pour l’acheteur public de trouver une offre meilleure…

Ces dernières années, ce constat s’est étendu aux autres risques d’assurances : flottes de véhicules et assurance des bâtiments notamment.

Il faut sans doute rappeler ici le principe fondateur de l’assurance : la mutualisation des risques. Lorsqu’un sinistre survient une année, il est indemnisé par la prime versée par les autres collectivités sans sinistre cette année-là. Mais au global, les compagnies font leurs comptes : les primes encaissées doivent permettre non seulement d’indemniser les sinistres mais aussi de rémunérer les services de gestion et les réseaux commerciaux ainsi que l’actionnaire, fût-il mutualiste. Lorsque cet équilibre se dégrade ou lorsque la fréquence des risques d’une collectivité augmente, un voyant rouge s’allume sur les écrans de l’assureur.

Sans compter les « graves » : quand l’assureur examine le dossier d’un client public ou privé, il consulte les statistiques des sinistres passés mails il intègre aussi dans son calcul le coût d’un éventuel sinistre grave (accident routier avec corporel par exemple) même si au cours des dernières années, le client n’en a pas connu. Coût moyen des sinistres + frais de gestion + provision pour risques graves = prime hors taxes à laquelle s’ajoutent divers prélèvements effectués pour le compte de l’Etat. Ainsi se calcule une prime d’assurance.

Or, la dégradation des résultats techniques des collectivités se heurte au principe de moins disant des consultations publiques. Comme le poste assurances devient lourd pour les collectivités, la tentation est grande chez elles de regarder surtout le coût de la cotisation. Ces dernières années, il y a eu sur le marché des opérations de dumping dans lesquelles certains acteurs nouveaux ont souhaité se positionner et ont ainsi baissé les primes. Mais le principe de réalité du calcul de la prime les rattrape, eux comme les autres et nombre de collectivités se retrouvent ainsi en situation difficile.
Comment réagir ? Les collectivités confrontées à ce mouvement durable n’ont en réalité que deux outils à leur disposition.

Réduire la sinistralité.
On l’a vu : la fréquence des sinistres inquiète les assureurs au moins autant que leur coût. Il est donc de l’intérêt des collectivités de réduire le nombre de sinistres déclarés et d’assumer par elle-même les moins coûteux.

Cette formule-là doit les conduire à choisir dans leurs contrats des formules comportant des franchises plus importantes qu’auparavant (1000 €, 1500 € voire 5000 €). Dans un tel scénario, l’assureur aura la certitude de voir le nombre des sinistres se réduire, ce qui réduira d’autant le travail de gestion des sinistres par ses services.

Améliorer la prévention.
Qu’il s’agisse de risque routier ou d’incendie, la réponse la plus durable et la plus efficace demeure la prévention : des véhicules correctement entretenus et des chauffeurs régulièrement formés, une maintenance régulière des toitures et des installations électriques des bâtiments , etc… seront à coup sûr des « bons points » dont l’assureur tiendra compte au moment d’accepter –ou non– d’assurer une collectivité et cela se traduira aussi dans le montant de la prime réclamée.

Des risques naturels mal maîtrisés.
Il ne faut pas cacher que les assureurs sont en outre confrontés à une montée inquiétante des sinistres d’origine naturelle : tempêtes, inondations pluviales, feux de forêt, sécheresse. Les mécanismes légaux d’indemnisation collective (type catastrophes naturelles ou calamités agricoles) montrent toute leur limite face à cette recrudescence. Les pouvoirs publics –quoi qu’ils en disent parfois– ne sont pas forcément mécontents de voir les assureurs faire le « sale boulot » par exemple en refusant d’assurer des immeubles bâtis en zone inondable, en multipliant les franchises cat nat sur les maisons qui se fissurent, etc…

De ce côté-là malheureusement, il est peu probable que le risque, notamment climatique, s’atténue. Il est donc vraisemblable que les assurés, publics et privés, constateront dans les prochaines années une sélection des risques de plus en plus draconienne de la part des compagnies et une hausse sans doute durable des primes d’assurances.

Mieux vaut donc s’y préparer en acceptant sa part de risque et en améliorant les actions de prévention dans les collectivités.

Bernard LUSSET