La discrète loi «D3S»

A l’occasion du grand Débat post-crise des Gilets Jaunes, de nombreux élus locaux avaient exprimé un besoin accru de proximité et d’adaptation de l’action publique aux spécificités de leurs territoires. Différentes concertations locales ont été conduites ans la foulée qui ont abouti à la loi « 3DS » du 21 février 2022 relative à la Différenciation, la Décentralisation, la Déconcentration et portant diverses mesures de Simplification de l’action publique locale. Sous des abords techniques, ce texte -largement enrichi durant l’examen parlementaire- vient ouvrir quelques perspectives nouvelles pour les collectivités locales :

Différenciation : pour s’adapter aux réalités locales, la loi réaffirme la capacité d’adaptation de l’organisation et de l’action des collectivités locales aux particularités de leur territoire, dans le respect du principe d’égalité. Elles auront, par exemple, plus de latitude pour fixer localement la réglementation dans leur domaine de compétence. Le pouvoir réglementaire des collectivités devrait ainsi être renforcé.
La loi permet en outre que des communes puissent transférer « à la carte » certaines compétences à leur intercommunalité. Par ailleurs, le texte a voulu renforcer la subsidiarité, la compétence “voirie” étant soumis à la reconnaissance d’un intérêt communautaire ou métropolitain et les possibilités de restitution aux communes de la compétence “tourisme” étant élargies. De la même manière la loi a facilité la possibilité pour les interco de déléguer au département ou à la région certaines de leurs compétences facultatives.

Décentralisation : Le texte conforte les compétences des collectivités locales notamment dans les domaines des transports, du logement, de l’insertion et de la transition écologique. En matière d’eau & assainissement, la loi a maintenu l’échéance du 1er janvier 2026 pour le transfert de cette compétence aux communautés de communes (les autres intercommunalités l’exercent déjà). Les collectivités locales qui le souhaitent pourront également se voir transférer les routes nationales non concédées qui n’ont pas été décentralisées. À l’initiative du Sénat, le transfert se fera en priorité vers les départements, en coordination avec les régions. De même, le transfert des petites lignes ferroviaires et de leurs gares sera facilité en garantissant la transmission aux régions des règles de maintenance et sécurité nécessaires à leurs missions. Les collectivités pourront aussi désormais installer des radars automatiques sur leur domaine routier.
L’un des principaux points de la loi concerne le logement social. L’application du dispositif “SRU”, instauré en 2000 est prolongé au-delà de 2025. Les grandes agglomérations devront continuer à disposer d’au moins 20 ou 25% de logements sociaux mais les communes retardataires bénéficieront de plus de temps ; les objectifs de logements sociaux pourront être définis localement, à travers un contrat de mixité sociale, signé entre le préfet et le maire. Il s’agit d’inciter les communes à construire des logements sociaux dans des quartiers aisés. Des autorités organisatrices de l’habitat dans le cadre intercommunal sont également prévues.
La recentralisation du financement du revenu de solidarité active (RSA) sera expérimentée dès 2023 et pendant cinq ans dans les départements volontaires, ce qui permettra de renforcer leur investissement dans les politiques d’insertion. La Seine-Saint-Denis a déjà signé un accord en ce sens, la recentralisation du RSA pour la Guyane, Mayotte et La Réunion ayant déjà actée dans les lois de finances pour 2019 et 2020.
Les régions volontaires pourront se voir déléguer tout ou partie du fonds “chaleur” et du fonds “économie circulaire” de l’Agence de la transition écologique (Ademe). Les départements voient en outre leur rôle renforcé dans la création de sites Natura 2000. Les départements et les régions auront autorité sur les gestionnaires des collèges et des lycées pour leurs missions extra-pédagogiques, (exemple : approvisionnement des cantines). Enfin, les maires pourront encadrer l’implantation d’éoliennes sur leur territoire grâce aux plans locaux d’urbanisme (PLU).

Déconcentration : Dans le souci d’améliorer la contractualisation avec les collectivités territoriales et de rapprocher les représentants de l’Etat des réalités du terrain, les préfets se voit conférer une plus forte autorité sur les agences de l’État : le préfet de département devient ainsi le délégué territorial de l’Office français de la biodiversité (OFB), son rôle est renforcé sur la gouvernance des agences de l’eau et le préfet de région devient le délégué territorial de l’Ademe, ce qui permettra de garantir sa bonne articulation avec l’action des autres services de l’État.

Simplification de l’action publique locale : Plusieurs mesures sont prévues pour simplifier le fonctionnement des collectivités locales et des établissements de l’État. Par exemple, pour éviter aux usagers de redonner plusieurs fois les mêmes informations à l’administration, les différentes administrations pourront s’échanger plus facilement les données utiles. Enfin, diverses mesures sont venues alléger les obligations déclaratives des élus auprès de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP).

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