Décentralisation : peut mieux faire

Comme elle l’avait déjà fait en 2009, la Cour des Comptes a publié en mars dernier un rapport visant à examiner la performance de l’organisation territoriale de notre pays, 40 après les premières lois de décentralisation. La Cour et les chambres régionales des comptes ont souhaité y dresser un état des lieux de la situation actuelle et confronter les ambitions initiales de la décentralisation à ses résultats sur le terrain.

On pourra lire en fin d’article la synthèse générale de ce rapport. Le moins qu’on puisse en dire, c’est que la Cour des Comptes y porte un regard peu amène sur la décentralisation française telle qu’elle peut l’observer au travers des conclusions qu’elle tire des contrôles réguliers qu’elle effectue auprès des collectivités territoriales.

Le constat du manque de méthode déjà fait en 2009 demeure pertinent : la Cour observe que les compétences sont de plus en plus intriquées, le plus souvent exercées par plusieurs niveaux différents de collectivités. Les magistrats financiers soulignent en outre que l’organisation de l’État a particulièrement souffert de la diminution des effectifs, qui a plus pesé sur ses services déconcentrés que sur les administrations centrales des ministères, suscitant un sentiment d’abandon dans les populations concernées.

La Cour souligne que dans le même temps les modalités de financement des collectivités territoriales se sont encore complexifiées. Les ressources dont elles disposent (dotations de l’État, parts d’impôts nationaux, éléments de fiscalité et redevances locales) forment un ensemble de plus en plus complexe, assez inégalitaire entre les territoires et peu compréhensible tant pour les responsables locaux que pour les contribuables.

Le fait mérite d’autant plus d’être signalé qu’entre 1985 et 2020, la dépense publique locale par habitant a doublé en euros constants, passant de 8 % du PIB à 12 % aujourd’hui. Cette hausse importante est-elle due à une amélioration des services rendus, au vieillissement de la population, à la complexité croissante des normes techniques ou bien résulte-t-elle d’une insuffisante maîtrise des coûts des services ? La Cour s’interroge sans répondre, constatant qu’au sein du bloc communal, les dépenses des communes ont continué de croître en dépit de la montée en puissance des établissements publics de coopération intercommunale (EPCI).

Si la Cour souligne l’imbrication croissante des compétences des collectivités territoriales et de leurs groupements, elle pointe aussi du doigt des exemples plutôt réussis comme la décentralisation scolaire, où les rôles de chacun semblent assez bien partagés. A l’inverse, les politiques d’accès aux premiers soins de santé, domaine ni décentralisé ni partagé, donne lieu à un grand éparpillement des moyens pour des résultats inégaux.

La Cour conclue son rapport en soulignant la nécessité de clarifier la répartition des compétences entre l’État et les différents échelons de collectivités territoriales et de doter chaque niveau de gestion locale des moyens lui permettant de les assumer dans des conditions d’efficience et d’efficacité mesurables.

Si la Cour juge irréaliste tout big bang territorial, elle considère cependant que le statut quo serait intenable. C’est pourquoi elle appelle à simplifier l’organisation territoriale et à mieux coordonner les interventions des différents échelons de gestion locale et des services déconcentrés de l’État.
Il s’agit en définitive de renouer avec les trois objectifs fondateurs de la décentralisation : renforcer la démocratie locale, rapprocher la décision politique et administrative du citoyen, améliorer l’efficacité et l’efficience de la gestion publique, 40 ans plus tard.

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