Heure d’hiver / Heure d’été : c’est pas fini… !

Changement d’heure en Europe

Le 29 octobre dernier, nous avons tous (sauf en outre-mer) retardé nos montres d’une heure pour passer à l’heure d’hiver. Il en est ainsi depuis que l’heure estivale a été progressivement généralisée à tous les pays de l’Union européenne (UE) dans les années 1980.

Harmonisation des dates de changement d’heure

Dans un premier temps, chaque pays définissait sa propre date de changement d’heure. Par la suite, afin de simplifier les échanges au sein de l’UE, il a été décidé d’harmoniser les dates de changement d’heure. Ce fut l’objet de la directive 2000/84/CE du Parlement européen et du Conseil du 19 janvier 2001 concernant les dispositions relatives à l’heure d’été. Depuis 2002, le changement d’heure s’opère donc de façon homogène dans tous les États membres : le passage à l’heure d’été s’effectue dans la nuit du dernier samedi au dimanche du mois de mars ; le passage à l’heure d’hiver s’effectue dans la nuit du dernier samedi au dimanche du mois d’octobre.

Histoire du changement d’heure

En réalité, le concept même du changement d’heure a vu le jour bien avant les préoccupations énergétiques du XXème siècle. Dès 1784, Benjamin Franklin avait émis cette idée pour la première fois dans une lettre humoristique adressée au Journal de Paris dans laquelle il suggérait que les Parisiens pourraient économiser des bougies en se levant plus tôt pour profiter de la lumière du jour.

Mais c’est durant la Première Guerre mondiale que le changement d’heure a été officiellement adopté par plusieurs pays, dont l’Allemagne et le Royaume-Uni, dans le but d’économiser du charbon. La France a suivi cette tendance en 1916. À la Libération en 1944, l’heure d’été fut abandonnée en France et un décret du 14 août 1945 a fixé l’heure légale avec une heure de décalage par rapport à l’heure de son fuseau horaire (temps universel coordonné : UTC+1).

Avec l’arrivée du choc pétrolier, retour à l’heure d’été : le décret du 19 septembre 1975 a (ré)introduit une heure d’été en France métropolitaine pour économiser l’énergie en réduisant les temps d’éclairage artificiel le soir. L’heure d’été fut fixée à UTC+2. Cette mesure qui devait être provisoire est toujours appliquée jusqu’à ce jour.

Contestation du changement d’heure

Mais si l’adoption de ce décret avait du sens il y a 47 ans, selon une étude d’évaluation des impacts énergétiques du régime d’heure d’été, mis à jour en 2009, par l’Agence de l’environnement et de la maîtrise de l’énergie « le changement d’heure permet des économies d’énergies et de CO2 réelles mais modestes, pour un coût quasi-nul de mise en œuvre ». A l’échelle de l’Europe, le Service de recherche du Parlement européen estimait dans une étude publiée en 2017 que le changement d’heure permettait de réaliser une économie de 0,5% à 2,5% selon les pays.

Ce changement bisannuel d’heure est de plus en plus contesté par les citoyens qui peinent à mesurer le bénéfice réel de la mesure. Outre le gain marginal en énergie, les opposants soulignent une hausse des accidents de la route et des troubles du sommeil chez les personnes âgées et les enfants.

Suppression du changement d’heure

C’est pourquoi, à la demande du Parlement européen, la Commission européenne a lancé une consultation publique durant l’été 2018 à l’échelle de l’UE. Elle a reçu plus de 4,6 millions de réponses avec 84% des répondants favorables à la suppression du changement d’heure. En France, la commission des Affaires européennes de l’Assemblée Nationale a, elle aussi, organisé une consultation qui a obtenu des résultats similaires dont on pourra prendre connaissance dans le document ci-joint : 83% des personnes souhaitaient mettre fin au changement saisonnier d’horaire et près de 60% exprimaient leur préférence pour le maintien de l’heure d’été toute l’année.

La Commission européenne a alors présenté un projet de directive adopté en mars 2019 par le Parlement européen. Ce projet de directive prévoyait la suppression du changement d’heure saisonnier à compter de 2021, chaque État membre devant choisir de rester soit à l’heure d’hiver soit à l’heure d’été. Le Parlement européen avait émis le vœu d’une coordination entre les États membres et la Commission afin que l’application de l’heure d’été dans certains pays et de l’heure d’hiver dans d’autres ne perturbe pas le fonctionnement du marché intérieur.

La directive devait être adoptée par le Conseil fin 2020, puis transposée par les États membres. Cependant, en raison de la crise sanitaire liée au Covid-19, ce texte sur la fin du changement d’heure a été retiré de l’ordre du jour. De sorte qu’il est difficile de prévoir quand ces changements bisannuels d’heure seront supprimés. Malgré le feu vert des chefs d’État des membres de l’Union, les parlements nationaux peinent à s’entendre sur l’heure définitive à adopter et la Commission ne se préoccupe plus du sujet qui ne figure plus à son plan de travail jusqu’en 2025.

Nous ne sommes donc pas près d’arrêter de nous poser, deux fois l’an, la question : « dois-je cette fois-ci avancer ou reculer ma montre d’une heure ? »

Bernard LUSSET